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Journal d'une instit

23 août 2006

"Tranches de vie", suivi de "Arrêts sur images"

Vendredi 16 décembre 2005 : dernier jour de travail.

Dans quel état d'esprit est-ce que je me trouve ? Sensation bizarre ...J'ai du mal à expliquer ce que je ressens. Trente-quatre ans de carrière dans l'enseignement primaire, ce n'est pas rien ! et aujourd'hui, voilà que ça se termine ! Un soulagement ? dans un sens , oui, j'ai voulu ce départ en retraite et à cette date. Personne ne m'y a obligée, ni même poussée. Alors, me direz-vous, pourquoi partir , quand on peut encore poursuivre  sa carrière ? Il faut savoir que dans l'enseignement primaire, nous avons la possibilité de partir à la retraite à 55 ans sous certaines conditions ; je remplis ces conditions, j'ai donc décidé de m'en aller, quasiment le jour de mes 55 ans : je viens de fêter mon anniversaire il y a seulement quatre jours ! Alors pourquoi ? Evidemment ,ça demande quelques explications. ..  Retournons donc une bonne trentaine d'années en arrière.

Juin 1970  J'obtiens mon bac : mention passable, pas terrible, mais je l'ai ce fameux diplôme !  LA CLE qui ouvre  quand même quelques portes.( toujours d'actualité !)  Bien entendu, auparavant, j'ai rempli un dossier pour être instit. Je sors d'une école assez réputée dans la région , et je vais donc pouvoir rentrer dans cette école qui forme les instits  J'attends donc tout naturellement des nouvelles, puisque j'ai mon bac ! Les semaines passent ? Pas de nouvelles ! Coup de téléphone à la direction de l'enseignement  privé du département dont je suis originaire. Surprise et bien entendu, grosse déception : mon dossier ne leur a jamais été transmis. Mais , pourquoi donc ? J'ai obtenu mon bac et c'est ce qu'il faut pour rentrer dans cette école ! C'est là qu'il y a un mystère ! Je n'aurai jamais la réponse à cette question ! J’ai une petite idée que j’ose à peine évoquer : mes parents n’étaient sans doute pas assez influents ou , qui sait, pas assez riches ! Pas de dossier, donc, pas d'école ! C'est aussi simple que ça ! Mais, il y a une autre alternative,  je peux  m'inscrire sur la liste des suppléantes. Et c'est ce que je fais, puisque je veux à tout prix être instit ! Il y a donc toujours un  espoir et l'espoir fait vivre !'.Les mois passent?...Rien à l'horizon !

Je décide donc de m'inscrire à la fac pour préparer une  licence d'anglais. Mais , dans ma tête, je suis une instit en herbe .Alors,  j'autorise mon  père à faire usage de ses connaissances .Et là, on lui répond que je vais obtenir un poste de suppléante sans tarder. Mais au bout du compte, je vais devoir attendre six mois avant qu'on daigne m'en proposer un .

Févier 1971  Et Le Grand Jour arrive donc ! Je dois me rendre sur le champ prendre possession de mon poste ! Je rencontre « l'instit » titulaire de la classe qui me mettra rapidement  au courant de ce qui m'attend ! 

Et je me retrouve donc le lendemain matin,  parachutée dans une classe de CP/GS  sans rien connaître de l'enseignement . De ce jour , je n'ai pratiquement  aucun souvenir ! Stress oblige sans doute !

Les jours qui suivent vont me dire si vraiment je suis faite pour ce métier ! Ce n'est pas évident, bien  sûr !

Il me faut tout apprendre par moi-même et bien sûr avec l'aide de mes collègues et de ma directrice. Pas de conseillers pédagogiques par contre pendant tout cette période ! C'est dur ! Je découvre un univers que je ne connaissais pas : les enfants, avec ce qu'ils ont de bon et de moins bon, leurs parents, idem ! Par contre, j'apprendrai à mes dépens qu'il faut toujours savoir que dire aux enfants, car les répercussions peuvent parfois être assez désastreuses ! Les parents écoutent trop leurs enfants ! Même dans les années 70 ! On se trouve très vite confronté à des situations assez rocambolesques !  De la DIPLOMATIE ! Ce sera mon cheval de bataille durant toute ma carrière!

Je resterai dans ce poste  le temps d'un congé de maternité. Puis, c'est la cavalcade de suppléances pendant deux années ! Je ne refuserai aucun poste ! J'aurai tout fait ou presque : de la  maternelle jusqu'à la classe de 4ème ( à cette époque, les « instits » pouvaient  enseigner dans les collèges)

Je me suis retrouvée perdue dans des patelins au fin fond de mon département, toujours sans voiture et sans logement , parce que pas d'argent : en effet , à cette époque, il fallait attendre au moins six mois avant d' être rémunéré ! Pour me rendre dans mes différents postes, je prends le car, le train, ou fais du covoiturage, ou parfois, mes parents me conduisent   le dimanche soir.

Je logeais parfois dans des greniers un peu crasseux, car inoccupés depuis des années : c'étaient les anciens dortoirs de ce qu'on appelait les cours ménagers ! Pas d 'eau dans la « chambre » : un petit réduit de quelques mètres carrés. Il devait y avoir une bassine et un broc pour la petite toilette ! Il fallait traverser le grand dortoir désaffecté et lugubre pour aller dans la salle de bains. Un avantage certain et pas des moindres : mon « logement  »  était situé juste au-dessus de ma classe ! J'avais même un escalier qui m'y menait directement ! Le luxe quoi ! Et les départs en week-ends ! Assez « folklo » ! Comme je ne possédais pas de voiture, une « bonne soeur », du style de celle des films de Louis de Funès, me conduisait en 2cv, jusqu'au car des collégiens que je devais prendre pour rentrer chez moi à 70 km de là. Elle avait dû obtenir son permis « dans une pochette surprise » : je me revois encore accrochée à la poignée de la « deu  deuch », pour ne pas tomber sur ma conductrice dans les virages pris à grande vitesse ! Ah ! C'était le bon temps, malgré tout .

Puis, arrive le jour où j'obtiens mon 1er poste de titulaire provisoire ! Finies les suppléances ! Une commune située à 15 km de mon domicile ! Le rêve tant attendu est exaucé ! On se sent vraiment instit à part entière que lorsqu'on obtient un poste « fixe ». Une école de filles ( ce n'était encore que le début de la mixité et c'est d'ailleurs ce qui me fera quitter ce poste 4 ans plus tard , fermeture oblige !)

Pendant ces 4 ans , je préparerai mon diplôme d'instit en suivant des cours par correspondance. C'est de cette façon  que les suppléants devaient s'y préparer. Pas facile de mener de pair sa classe et les cours du « centre national de téléenseignement », qui est  devenu le CNED ! De temps en temps , j'ai le droit d'avoir un conseiller pédagogique, ce qui est un fait assez rare ! Pendant mes 2 ans de suppléances je n'ai vu un conseiller pédagogique qu'une seule fois !

Et en mars 1973, j'obtiens mon diplôme d'instit, dans cette agréable petite école de filles. J'y resterai donc 4 ans. Que de bons souvenirs ! Des collègues formidables et des enfants sympathiques qui me feront aimer ce métier passionnément.

Je quitte donc à regret, cette petite école …

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ARRETS SUR IMAGES

Eté 1966 ou 1967, peut-être plus. Un jeune homme brun accoudé à une barrière et discutant avec deux autres jeunes gens, des frères jumeaux, des cousins éloignés d'une jeune fille de 16, 17 ans très timide et qui ose à peine dire bonjour à ses cousins et surtout au jeune homme brun lui aussi, assez timide d'ailleurs... regards furtifs... sourires intimidés de part et d'autre... rencontre à "L'Hôtel des dunes"... Procol Harum... La Plage des Dames...

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19.. surprise : la jeune fille reçoit du  jeune homme brun, une lettre d'une belle écriture appliquée: ce jeune homme fait "ses classes" et non pas la classe comme il dit : la jeune fille en conclut qu'il est donc instituteur, d'où, la très belle écriture!

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1971: La jeune fille de 16 ans en a maintenant 21 et elle est institutrice suppléante et c'est à partir de cette année que leur courte histoire commence... Rendez-vous sur un rocher, près d’une petite chapelle surplombant la mer. Ici, les souvenirs sont assez confus...
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Automne 1971. La jeune fille est suppléante dans un village perdu  du Finistère et le jeune homme vient un mercredi lui rendre visite. Ils marchent sur la  plage et rencontrent les petits élèves de l’institutrice qui crient: "La maîtresse avec son amoureux!"...( eh oui, c’est l’image qu’ils donnent !)

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Que se passe t-il entre ces deux-là ? ....Mystère... et le mystère durera plus de 30 ans!!!

1972: ARRET SUR IMAGE, sur UNE image: Le jeune homme brun et son"Petit Prince" sous le bras. Image ineffaçable pour la jeune fille de 22 ans... empreinte d'une tristesse infinie... Pourtant, c'est elle qui a rompu cette  relation naissante. Mais pourquoi? … Alors, une autre vie commence: oublier une histoire qui a eu un début mais pas de milieu, ni même de fin... ?

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1973: la jeune suppléante passe son CAP d’institutrice, étape incontournable pour être une maîtresse d'école à part entière... Les candidats attendent dans le couloir d’une  école... La jeune candidate à l'examen se retourne... et... croise le regard du jeune homme brun de son histoire. IL est là, tout au fond du couloir...C’est quoi ? le hasard ? Le destin ? Mais que fait-il à cet endroit? ...battements de cœur... non, ce n'est vraiment pas le jour ! La jeune fille est prise d'angoisse! Elle va sûrement rater son examen! Pourquoi justement  aujourd'hui? …Ce sera la dernière fois que leurs regards se croiseront... regards atterrés pour la jeune fille. Mais, elle,  qu 'a-t-elle vu dans le regard du  jeune homme? ...la jeune fille y  voit...  De loin, on  ne voit pas bien…D’ailleurs, qu’est-ce que ça peut bien faire ? …Ils n’ont plus rien à se dire. Elle l’a voulu… mais peut-être était-ce là une belle opportunité qui s’était offerte au beau jeune homme brun ? Il n’a de cette façon pas eu à faire le pas pour cette rupture qui , sans nul doute , devait arriver. Une montagne énorme les séparait ! Le savait-il ? Ou préférait-il fermer les yeux ? …..

Et le temps passe…

1974: maîtresse d'école…

1975: maîtresse d'école… ………………………………………………………………………………………

1976: Délivrance:  "Liberté... j'écris ton nom...": renaissance à la vie, la vie sentimentale de la jeune fille mise entre parenthèses pendant quatre ans. Le jeune homme brun n'est en rien  responsable de ce vide sentimental, enfin, pas directement. Mais délivrance de quoi? ...ou de qui? ... Je ne peux pas l'écrire ! Je n'en ai pas le courage! Tout ce que je peux dire c'est que cette délivrance s'est faite grâce à un séjour en Afrique.

1976 à 2005: la Vie tout simplement...

Ah, j'oubliais! dans les années 80 /90,(je crois!) Le passé fait une petite incursion dans la vie de l'institutrice : celle-ci tombe sur un article de journal: un instituteur a réalisé un cadran solaire avec ses élèves. Rien d'extraordinaire à cela, si ce n'est que l'instituteur en question n'est autre que celui de SON histoire.. le hasard sans doute encore ?...mais ce qui trouble encore davantage l'institutrice, c'est que... elle aussi, quasiment au même moment, vient juste de faire une étude sur le cadran solaire avec ses élèves!  étrange et troublante coïncidence, non?  Laissons le passé où il est, une fois de plus! ...La vie continue son petit bonhomme de chemin...

début 2006: Une autre Vie commence! Encore une! nous avons tous plusieurs vies! (c’est ainsi que je vois les choses) Le cartable et les crayons sont rangés... et, vous n’allez pas le croire ! le destin ou le hasard  nous met une fois de plus  sur la même route , mais une route  virtuelle…En tapant je ne sais plus quoi dans mon moteur de recherche, je tombe sur le site d’un écrivain, philosophe, poète, scientifique et en le parcourant, je me rends compte qu’il s’agit peut-être de l’homme que j’ai connu  quelques trente ans plus tôt ! hésitations: savoir ou ne pas savoir qui est cet homme qui écrit caché sous un pseudo ? Finalement, après bien des hésitations, je me lance et fais un copier coller sur son adresse e mail... messages envoyés... messages reçus.. dire ou ne pas dire qui je suis ?..( "être ou ne pas être"...) attentes...Et c’est le cœur battant que je reçois un jour un mail de l’homme en question. C’est bien lui, le jeune homme brun des années 70. ! Au bout de quelques échanges, j’ose enfin avouer qui je suis. A partir de là, s’engagent quelques conversations …amicales , du moins je le crois. Que dire ? Sinon que  la femme  que je suis devenue, mariée, mère de famille aurait aimé savoir ce que l’ homme des 70 est devenu ! Mais , l’homme en question ne veut pas se dévoiler ! Que craint-il ? C’est là que réside le mystère pour moi. A-t-il encore aujourd’hui des sentiments pour moi ? Après toutes ces années ! Pour ma part, je le considère un peu comme un grand frère . Je n’ai jamais su  si j’ai eu des sentiments autres que  l’amitié. Le destin en a voulu autrement sans doute et ce n’est pas aujourd’hui que ça va changer. J’aurais tout simplement voulu savoir…A l’heure où j’écris ces lignes, je n’ai pas reçu de mails de sa part depuis le 12 juin exactement ! Et il ne répond pas aux miens ! Qu’ai-je dit qui aurait pu le contrarier ? Je ne le sais pas plus ! La fuite est un moyen facile de résoudre les problèmes, si du moins  problèmes il y a ! C’est de la communication que naît parfois la lumière ! Et pourtant, c’est quelqu’un de bien, j’en suis sûre ! Pour ma part, il n’y a jamais eu d’ambiguïté quant à mes sentiments, je le lui ai dit à plusieurs reprises ! Sans doute, ne me croit-il pas ? Une rencontre, une vraie, aurait sûrement été préférable à tous ces mails échangés. Mais, il ne le souhaitait pas sans doute. Je le lui avais timidement suggéré  mais il répondait qu’il était… désolé ! Cela cache-t-il quelque chose ? Le mystère reste entier… je ne le saurais sans doute jamais et pourtant, un jour il m’écrivait ceci : «  Nous ne cesserons pas de communiquer »…Voilà, l’histoire est sans doute terminée. J’avais une très grande estime de lui et c'était réciproque selon ses dires. Il dit ceci sur son site : «… le silence est …prometteur de langage… ». Dois-je alors attendre quelque chose de positif un jour ?
Cette rencontre sur le net aura été pour moi quelque chose de très fort et d'inoubliable. La chance  de nous rencontrer de cette façon était peu probable et même impensable! Pourtant; elle  a eu lieu! Le destin? Je ne sais si cette histoire est terminée. Je reviendrai dans quelque temps donner des nouvelles.

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